Chronique d’un dépucelage annoncé

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Le 3 avril 2014, Clayton Pettet, étudiant à l’Ecole Central St Martins, perd sa virginité lors de sa performance « Art School Stole My Virginity ». Il choisit de la perdre en public. Une performance au parfum de scandale qui a le mérite de remettre l’art contemporain au cœur de l’actualité. Les critiques se déchainent et beaucoup de détracteurs dénoncent un voyeurisme certain. Cette performance conforte leur laïus habituel sur la décadence d’un monde assoiffé de violence et de sexe.

Mais pourquoi tu fais ça ?

Clayton Pettet est bien un enfant du XXIe siècle. Il a parfaitement assimilé les mécanismes des médias modernes et agit à dessein, afin de bousculer toutes les conventions qui planent sur la virginité. L’artiste, à travers son œuvre, la remet en question. En l’exposant, elle perd sa dimension sacrée. Néanmoins, pourquoi une telle représentation choque t-elle toujours dans une époque où la pornographie est omniprésente sur la toile ? Non, les tabous n’ont hélas pas disparu…

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Affiche de la performance de Clayton Pettet

Sur son tumblr, Pettet cite « When Marina Abramovic Dies: A Biography ». Cette «  grand-mère de la performance » pourrait en effet figurer comme sa grand-mère spirituelle tant les travaux des deux artistes se rejoignent.

Sa performance s’inscrit dans une tradition artistique

La trajectoire de Marina Abramovic s’avère tout aussi chaotique. La petite fille, étouffée par une éducation stricte et la rigueur du régime de Tito, ré-apprivoise sa liberté grâce à la performance. Lorsqu’elle entre aux Beaux-Arts en 1965, les idées libertaires de Mai 1968 commencent à émerger. Le corps, autrefois sacralisé et instrumentalisé par le mariage, devient un moyen de s’exprimer, de s’épanouir et de se procurer du plaisir. Ainsi, Marina Abramovic utilise son corps et ses limites pour explorer sa liberté en faisant fi des codes attachés à son éducation. Elle se libère alors de son passé, ce fardeau. En 1974 par exemple, elle brûle une étoile communiste lors d’une performance appelée « Rhythm 0 ». Le choix du feu renforce cette volonté de purification.

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Marina Abramović « Rhythm 0 » 1974

La même année, Abramovic adopte une démarche similaire à Clayton : elle place le spectateur face à ses propres fascinations inavouées, mais cette fois avec la torture et la violence. Elle parvient à révéler l’instinct primaire de la foule. Clayton Pettet entreprend ainsi le même travail de purification et d’affranchissement d’une morale devenue pesante.

Les deux artistes n’utilisent pas le sensationnel pour le simple plaisir du show. C’est un réel retour du spectateur sur lui-même : il se trouve face à ses tabous et ses pulsions. Aujourd’hui, chacun peut avoir accès à ce type de présentation chez soi. Ces deux artistes sortent de cette sphère intime pour interroger le monde en direct. Leurs performances ne sont pas des objets médiatiques en soi : elles le deviennent et révèlent cette fascination pour ce qui est appelé « mal ». En voulant s’émanciper des conventions pesant sur eux, ces artistes nous renvoient à nos propres hypocrisies : c’est ce reflet qui est insupportable.

Salvade Castera

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